Raquel Varela – Un peuple en révolution : Portugal 1974-1975
C’est une surprise pour le monde entier de voir que ce pays que les caricatures présentent comme peuplé de petites mamies tristes et moustachues, vêtues de noir et édentées, est désormais un pays où des pauvres occupent l’ancienne maison du maître dans tel quartier de Porto, de Lisbonne ou de Setúbal, afin d’y installer une crèche où les menuisiers fabriquent les lits, où l’électricien installe l’électricité, ce que les militaires viennent cautionner après coup en déclarant presque toujours : « C’est très bien. » La révolution des Œillets commence par un putsch d’officiers qui, las de la guerre coloniale qu’ils savent perdue, font le choix de renverser la dictature. S’attendent-ils alors à ce que le peuple portugais prenne autant au sérieux la promesse d’une liberté nouvelle ? Pendant dix-neuf mois, il prend en main ses propres affaires : travail, logement, relations entre les genres, culture. La situation finit par être « normalisée » par l’établissement d’une démocratie parlementaire ; mais entre avril 1974 et novembre 1975, le peuple semble en plusieurs occasions proche de renverser l’ordre capitaliste.