Emil Cioran – Le Crépuscule des pensées
Qu’y a-t-il au bout du nihilisme ? La mort ? La régénération ? Peut-être tout simplement le raffinement de la volonté de néant. Il faut lire Cioran pour découvrir jusqu’où peut aller la culture du désespoir et comment le suicide peut s’ériger en art du quotidien. Poète du malheur, le penseur roumain ne revendique rien. Il témoigne et fait éclater le dérisoire de la vie à travers une pluie d’aphorismes acides et d’images cinglantes. Penser ? « Toute pensée ressemble aux gémissements d’un ver que piétinerait les anges. » Se contenter de vivre ? Mais il n’y a de vie qu’au crépuscule : « Les yeux éteints ne se rallument qu’au désir nostalgique de la mort. » Se réfugier dans l’art ? Mais la vraie musique est silence. L’amour ? « Nous sommes accrochés à la femme par terreur de l’ennui. » Il n’y a aucune issue, sinon celle de souffrir les yeux ouverts : « La lucidité est un vaccin contre la vie. » Avec Cioran, le cynisme de Diogène atteint la férocité d’un chien enragé. Une rage qui rend l’existence solitaire : « Je suis un Job sans amis, sans Dieu et sans lèpre. » Une rage qui fait de la vie un mal incurable : « La vie et moi : deux lignes parallèles qui se rencontrent dans la mort. »