Dominique Barberis – Beau rivage
« On entendit soudain des aboiements. Ils étaient très distincts, comme s’ils venaient non pas de la route qui menait au village, mais du lac à côté de nous, ou d’une vallée derrière celle où nous nous trouvions, un des puits silencieux que dessinaient les pentes verticales. Ils paraissaient lugubres sous le ciel menaçant. Serge eut l’air de les écouter. Ils s’arrêtaient de temps. à autre, prolongés par leur écho plus faible, mais chaque fois le chien recommençait, comme si, ignorant le phénomène de l’écho, il s’était répondu à lui-même. – C’est ce chien, avais-je dit. Le chien de l’ancien abattoir. Il aboie sans arrêt. On dirait que le bruit vient du lac. J’y jetai un coup d’œil. L’eau était grise. Elle ne reflétait rien. Où nous étions, les parois empêchaient de voir le ciel. Les premières gouttes, que j’aperçus au même moment, dessinaient des centaines de circonférences à la surface, des milliers de circonférences, diluant le reflet des parois, faisant trembler la couronne jaune et renversée des arbres ». Beau Rivage est un petit hôtel de montagne, comme il y en a des milliers, quelque part, pas très loin de la frontière, au bord d’un lac. S’y retrouvent par hasard deux couples et un homme seul. II s’appelle Serge (ou il dit s’appeler Serge). C’est le moment où l’été montagnard bascule dans l’automne.