Claude Michelet – Les Défricheurs d’éternité
Ils sont treize : l’abbé Théodoric et douze de ses frères bénédictins de l’abbaye de Solignac, en Limousin. Ils ont pour mission de faire revivre un monastère englouti par les terres hostiles – toutes de marécages, de forêts et de landes – de cette région que l’on appelle aujourd’hui la Brenne, proche de Sologne. En ce temps-là, le milieu du IXe siècle, quand les héritiers de Charlemagne se disputaient l’Empire disloqué, c’était un pays où survivre était un exploit.
Ils arrivent avec, pour seules armes, une faucille et leur foi. Ils découvrent une population minée par les fièvres et les écrouelles, ravagée par les famines et encore toute proche du paganisme. Tout est à faire, sur le plan matériel comme sur le plan spirituel.
Ils se jettent dans l’aventure, véritable reconquête. Avec les manants, ils défrichent, assèchent les marais, créent des étangs. Ils combattent le sorcier. Ils élèvent une abbatiale. Ils font de Saint-Romain un lieu de pèlerinage. Ainsi, et chaque calamité ranimant leur courage, ils rendent vie à ce territoire et à ce peuple déshérités.
Cela leur demandera trente ans. Ils pensent avoir accompli leur mission quand une bande de Vikings font sur Saint-Romain: massacres, incendies, désolation. Mais peut-on abandonner les hommes et l’oeuvre de Dieu ?