Chester Himes – Ed Cercueil et Fossoyeur Jones T08 L’aveugle au pistolet
L’auteur de l’inoubliable « Reine des pommes » part en balade dans le ghetto noir de New York. Le prétexte: le meurtre, à Harlem, d’un Blanc qui aime la chair fraîche quand elle a la peau noire. Reportage en forme de kaléidoscope, galerie de portraits pathétiques, cyniques, violents, grotesques, pamphlet glacial, terriblement objectif, où personne n’est épargné, « L’Aveugle au pistolet » est un peu tout cela. Et c’est aussi un catalogue d’odeurs âcres, de sensations fortes, d’autant plus vives qu’elles semblent nées du délire collectif de toute une ville qui n’en peut plus de souffrir sans espoir. Faux prophètes, exploiteurs de la crédulité populaire, vieillards superstitieux à la recherche de l’élixir de jouvence, bagarreurs issus de diverses tendances et promis à l’affrontement, pillards sans vergogne, badauds naïfs se côtoient et se rejoignent dans la même impuissance, sous l’œil d’Ed Cercueil et de Fossoyeur Jones, les deux policiers noirs, martyrs coriaces d’une improbable paix publique.
Et c’est enfin l’illustration, dépourvue de toute indulgence mais pleine de talent, d’une parabole éclairée à la lumière noire. Dans l’esprit de Chester Himes, l’aveugle qui tire dans la nuit, au risque de toucher son frère plutôt que son ennemi, c’est l’image du militant qui, à l’aveuglette, mène le combat libérateur. Combat féroce, parfois absurde, où, dans la vacherie quotidienne, éclate malgré tout le rire de la vie.
Demain est un autre jour.