Cécile Reyboz – Pencher pour
Dans une métropole qui ressemble en tout point à Paris, en ce matin pluvieux, Lazor Hilaire est en avance. Sur l’esplanade de Bobigny à moins qu’il ne s’agisse de celle de La Défense, il aborde son quotidien. A ses heures, cet homme siège aux Prudhommes. Mais il est en avance notre bonhomme et il prend en attendant un autre chemin, redescend tout au long d’une coursive mouillée de pluie pour aller s’engouffrer dans la lumière d’une galerie marchande. Là, il rencontre une vendeuse qui le suit jusque chez lui : tout est possible puisqu’il est en avance. Dans l’appartement de Lazor, la vendeuse se dénude, Lazor, lui, pense à autre chose. Autre chose, autrement, ailleurs : Lazor Hilaire est différent et quand il croise un peu plus tard La femme en Biais, une avocate indifférente à la marche verticale du monde, Lazor tombe amoureux. Approche difficile. Lazor est discret, la jeune femme est subtile et la rencontre de ces deux êtres délicieusement fêlés est singulière. Elle, semble danser : entrechats urbains sur bêton glacé. Lui, entend un bruit, un petit bonheur intérieur qui l’enchante. Lorsque Lazor pour la première fois caresse le corps de la belle, lorsque l’amour les conduit jusqu’au plaisir, Lazor se dérobe. Pour lui il s’agit d’exigence, ne pas réduire le désir à sa triviale finitude : petite mort ou abandon de soi ont à voir avec animalité. Ejaculer il ne veut pas, surtout pas avec elle, se dit notre homme sans prononcer un mot. La femme en Biais est humiliée, persuadée de n’être pas désirée, mal aimée. Pendant ce temps, le monde s’impatiente. La ville se couvre d’ordures, les éboueurs sont en grève, même le fleuve s’efface sous l’immondice. Un président de la république hyperactif part en voyage, ses ministères sont en alerte. Les parents de Lazor et leur chat Rémi rodent dans les parages, une brigade secrète met en place d’étranges signaux lumineux sur la ville. Mais, au Gymnase municipal, les gens s’envolent puis rebondissent sur un trampoline géant : Autre chose, autrement, ailleurs…