Annie Ernaux – Se perdre

L’espoir est une denrée qu’Annie Ernaux délivre avec la plus rigoureuse parcimonie. Dans Se perdre, journal intime où Passion simple (1992) prit sa source, elle se montre particulièrement avare. On pense à certains maîtres japonais, tel Kawabata, sorciers du genre : neige et ciel de cendre. Mais Annie Ernaux y apporte sa révolte : elle griffe la neige. Et laisse quelques lambeaux de chair collés au métal froid des lignes. Car jamais on ne saurait parler de chaleur dans cette évocation d’un amour pourtant torride. Ombres tourmentées, privées de tout appui, au point de paraître flotter, indéfiniment, les êtres – elle, et lui, son amant, de passage, comme on dit d’un cargo ou d’un train – y montrent une grâce glacée, y expriment une souffrance marmoréenne. Car Annie Ernaux ne joue pas, jamais – ni à vivre, ni à écrire. Elle s’engage, avec la férocité d’une guerrière, dans ce texte farouchement maîtrisé, cette mince fente de feu et de givre incisée dans un monde d’absolues ténèbres.

 

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