Alessandro Piperno – Avec les pires intentions

C’est drôlissime, souvent féroce, et surtout magnifiquement écrit: avec ce premier roman qui vaut son pesant de Philip Roth, Alessandro Piperno (né à Rome en 1972) vient de jeter dans le chaudron de la littérature italienne les piments dont elle était cruellement privée. Daniel Sonnino, le narrateur, est une sorte de Portnoy transalpin: ce demi-juif à l’âme passablement cabossée nous raconte comment, au fil d’une adolescence foireuse, il a vu sa vie «filer sur des voies mortes» parce qu’il a eu le tort de naître dans une famille foldingue de la haute bourgeoisie romaine. On commence par le grand-père, Bepy, un nabab à la Gatsby qui a plongé le clan Sonnino dans la dèche avant de s’enfuir en Amérique pour échapper à ses créanciers. On continue avec l’oncle Teo, ex-soixante-huitard reconverti dans l’intégrisme pur et dur, après son exil en Israël. Et l’on passe à Luca, le père du narrateur, un snobinard mégalo qui ne sait que frimer au volant de sa Porsche en exhibant ses costars Armani. C’est dans cette tribu déjantée, tiraillée entre dolce vita et trahisons conjugales, que le malheureux Daniel a dû se dépatouiller en ruminant ses complexes sexuels et ses frustrations de masturbateur fétichiste. Avant qu’une sirène «au regard couleur de brise marine», la divine Gaia, ne surgisse des flots sur un Chris-Craft d’acajou pour lui mettre le feu au cœur. Mais il ratera lamentablement le coche, comme s’il était un éternel orphelin de l’amour… Dieu merci, il lui reste son humour sulfureux, qu’il déverse à grandes giclées sur cette aristocratie italienne dont il fustige les travers comme au bon vieux temps de Moravia. Piperno rime avec inferno: la beauté du diable.

 

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